Je suis né il y a dix-huit ans de cela dans un coin perdu en dehors de la ville. Un quartier pauvre, bourré de bordels et de gens pas trop nets. Ma mère n’est pas tombée enceinte de moi parce qu’elle voulait un enfant, non loin de là. Celle-ci se trouvait à être une jeune fille de joie, vendant son corps pour pouvoir se payer sa cocaïne. Une vraie salope, une droguée, une putain, une… Bon, je m’égare. Alors, je disais… Ah oui. En apprenant qu’elle était enceinte de moi, elle décida de garder le truc qui lui servirait de gamin plus tard, tâchant de bien le garder en santé. – En diminuant sa dose quotidienne de nicotine quoi. – Ensuite, comme après toutes grossesses, l’enfant naquit dans la souffrance de sa pauvre génitrice. Enfant qui, était destiné à être hait.

Bien que ma mère veuille bien prendre soin de moi, elle me détestait au plus haut point. – Pas étonnant après avoir détruit sa ligne d’anorexique. – Elle ne pouvait pas regarder mon « affreux » visage en face. Bien que je fusse beau comme un ange, sans me vanter bien sûr, elle me trouvait horrible. « Ce gamin est un monstre ! Il mériterait d’être battu ! »

Un anniv’ parmi tant d’autres.

Comme à tous mes anniversaires, j’étais assis seul à table tout en fixant le vide qui s’éternisait devant moi dans le silence des plus complets. En général, les gamins de cet âge font la fête et invitent des tas d’amis, mais moi, je n’y avais pas le droit. – Et puis, de toute façon, on ne peut pas vraiment se faire d’amis dans ce genre de quartier. – J’avais toutefois droit à une part de gâteau du supermarché que ma très chère mère avait pris soin de déposer devant moi, me sortant du même coup de ma contemplation. Je lui répondis par un simple « merci » sans toucher au dessert, le fixant intensément alors qu’un sourire troublant se dessina sur mes lèvres.

- Qu’est-ce qu’il y a, tu ne manges pas ?

Relevant la tête, je posais mon regard sur cette femme qui tentait de prendre soin de moi malgré la haine qu’elle fournissait à mon égard. Mon sourire innocent s’élargit, bien que celui-ci cache une haine tout aussi unique dû à toutes ces années sous son toit à être battu comme un chien.

- M’aimes-tu maman ?

- Non, je te déteste, tu es un monstre et tu le sais déjà. Maintenant mange. Dit-elle sans même prendre le temps de réfléchir.

J’hochais lentement la tête, prenant la fourchette entre mes doigts pour aller piquer le bout dans la pâtisserie. Je n’avais pas vraiment faim, mais, craignant les foudres de ma mère, j’en pris un morceau. Ce fut une grosse erreur puisque, quelques secondes plus tard, ma vue s’embrouilla. Je compris alors pourquoi cette femme qui m’avait mis au monde n’en mangeait pas. La drogue me conquit rapidement et je tombais sur le carrelage froid, perdant instantanément conscience.

Ainsi commença ma quatorzième année.

Pourquoi ? …

Lorsque j'ouvris l'œil, une intense lumière blanche m'aveugla. Je dus cligner plusieurs fois de la paupière afin d'y voir plus clair, ce qui ne servi pas à grand-chose au final. Attaché à une table d'opération, je pouvais à peine tourner la tête pour pouvoir examiner la salle où je me trouvais. Juste assez pour y voir une rangée de tables toutes, ou presque, occupées par des hybrides de races différentes. Mais ce qui me préoccupa le plus, outre de ce qui m'arrivait, c'était mon œil droit. Pour une raison inconnue, j'en avais perdu l'usage ce qui eut pour effet de me faire paniquer. Je me débattis quelques secondes contre les liens qui me retenaient prisonnier jusqu'à ce qu'une vois me pétrifie sur place.

- Oh, on est réveillé ?

- Qui t'es toi ? Où j'suis et qu'est-ce que vous m'avez fait ?!

- On se calme jeune garçon. L'homme apparut soudainement dans mon champ de vision. Il ne devait pas être plus vieux que ma mère. Il portait ses cheveux blonds attachés dans son dos et me fixait de ses yeux dorés. Contrairement aux scientifiques, il ne portait pas de longue veste blanche, mais bien un costume gris accompagné d'un manteau de fourrure. Un gosse de riche quoi. Il leva la main pour venir caresser je-ne-sais-quoi sur le côté de ma tête avant d'ajouter ; Ou devrais-je dire jeune hybride ? ...

C’est à ce moment que je compris que ma vie d’humain était terminée. J’étais devenu un hybride, un esclave, une expérience totalement ratée. Les scientifiques, voulant essayer quelque chose de nouveau, m’implantèrent des gênes de différents animaux ce qui donnait un résultat assez… effrayant. Une forme humanoïde cornue, ailée, aux oreilles pointues et aux crocs acérés. Et le comble ; une queue fourchue ressemblant à celle du diable. On se demande bien qui sera le fou qui voudra bien de moi après ça.

L’homme qui se trouvait là à mon réveil était en fait le propriétaire de l’animalerie où je suis présentement. Je su bien plus tard que ma mère m’avait « entretenu » à cet escient durant une bonne partie de ma vie pour une importante somme d’argent. Je fus également heureux d’apprendre que cette salope soit morte suite à une overdose.

Aujourd’hui je suis toujours dans cette animalerie. J’ai perdu espoir pour ce qui est de mon œil droit, mais pas pour ce qui est de mon goût de liberté.